Visite d’une école Agile

Pendant que certains se démènent à réaliser des travaux, à casser des murs, couler du béton, visser du placo, astiquer les étagères poussiéreuses ou faire des lits à tous les étages…. d’autres sont sur d’autres continents à se la couler douce !

Pour contre-balancer ma frustration à ne pas pouvoir donner un coup de main à ce dernier coup de préparation avant notre rentrée tant attendue, j’ai profité d’un post sur le Facebook d’EUDEC France pour prendre connaissance de l’existence d’écoles assez proches mais aussi assez différentes des écoles démocratiques : les Agile Learning Centers.

Qu’est ce que c’est ?

En quelques mots traduits de la page d’accueil, ce sont des écoles où le jeu est infini, où les membres sont AGILE (inspirées de l’industrie, ces méthodes de gestion permettent à chacun de se sentir mieux dans la collectivité), où la culture est de partager, de créer, où le retour sur son expérience est visible, où le soutien est facilité, où le temps et l’espace de chacun sont respectés, où les valeurs de partage dans les relations sont importantes, où l’espace est créé de façon sécurisée.

Ou encore : une école où les élèves peuvent utiliser leur temps comme ils le veulent, ou presque, et utilisent certains outils pour faciliter le partage et l’avancée de chacun. Les élèves participent aux décisions prises dans l’école, choisissent leurs apprentissages et participent aux réunions.

Des différences ?

Il y a plusieurs différence avec les écoles démocratiques. En se basant simplement sur la page internet ici, on comprend que la façon de gérer les conflits est bien différente de ce qui se passe dans une école Sudbury. Ils utilisent une méthode de résolution de conflit qui s’éloigne du schéma rigide du conseil de justice, et suit 4 étapes :

  1. Demander d’arrêter “stop”, de respirer, et décider comment communiquer avec l’autre.
  2. Essayer de parler à l’autre personne.
  3. Trouver une 3e partie pour aider à parler à l’autre
  4. Si le problème persiste, on peut faire appel au Conseil de la Culture. Ils discutent de la nature du problème et comment y répondre. Une solution pourrait être de faciliter une discussion entre les parties impliquées dans le conflit, ou s’adresser à chacun séparément pour clarifier les frontières de la communauté et offrir du soutien personnel.

Une des grandes différences à ce que l’on pourra vivre à l’Atelier des Possibles est que les facilitateurs font des suggestions sur les actions des élèves de façon simple, comme ils le feraient à des amis qu’ils essayeraient de soutenir. A l’Atelier des Possibles, on essayera de laisser sa souveraineté à chacun, d’attendre qu’on nous demande de l’aide avant d’en proposer, de considérer l’autre, et notamment les enfants, comme des personnes de même égalité et droit que les facilitateurs.

Un autre point important est que dans une école AGILE, les élèves ne sont pas impliqués autant dans les décisions de gestion de l’école. Ils se consacrent à créer une “culture”, utilisent des outils qui leur permettent de donner leurs intentions d’activité sur les journées ou les semaines, et réduisent leur participation à des réunions à moins de 10% par jour. Ceci dit, ils ont des réunions de démarrage et de clôture des journées obligatoires. C’est là qu’ils vont exposer leurs intentions ou discuter des conflits. Avant de se quitter, ils donneront un retour sur leur vécu de la journée, faisant écho à ce qu’ils avaient annoncé le matin.

Mauna Kea, une école AGILE au Mexique

Je suis tombée sur la carte où se trouvent ces centres ou écoles ici, ce qui m’a amenée vers Mauna Kea, une école maternelle et primaire inspirée des Agiles Learning Centers. La voici en image ci dessous. Cette école, c’est près de 800m2 de pièces, un grand préau, et 2 espaces jardins, ce qui permet d’être vraiment souple dans l’organisation.
 Un petit tour sous leur préau et vers les lapins :

Ce que je retiens ?

Je rentre avec plusieurs idées de choses qui m’ont plu et d’autres moins.

Des idées que je leur laisserai

A la fin de chaque journée, les élèves et les encadrants se réunissent pour partager ce qu’ils ont fait de leur journée, notamment par rapport aux objectifs qui avaient été notés le matin. Ce sont les “closing meetings”. Même s’il peut être agréable de se retrouver pour un tel partage, le fait de le rendre obligatoire enlève le libre arbitre des élèves selon moi. De plus, ce point semble impliquer d’une part que l’ont doit avoir “fait” quelque chose. Ça me rappelle l’article de l’école autonome où un parent d’élève demande à son enfant ce qu’il a fait de sa journée…  Est-il nécessaire de verbaliser ce que chacun vit dans son quotidien ? Est-il nécessaire, pour avancer, de faire le point par rapport à des objectifs que l’on s’est fixés ? Ce temps sonne un peu trop comme un compte-rendu par rapport à des attentes d’une hiérarchie qui déciderait pour les enfants. Je trouve l’idée de partage volontaire plus intéressante. Si ces réunions n’étaient pas obligatoires mais intéressaient les élèves, ceci pourrait peut-être devenir encore plus riche. A voir si dans la pratique cela les intéresse réellement !

Un autre aspect de cette école qui m’a dérangé est l’inégalité entre les élèves et les adultes. Ce sont les adultes qui décident de beaucoup de choses, et même si des règles peuvent être créées au fur et à mesure de la vie de l’école, il semble moins évident qu’il y ait une réelle démocratie. D’ailleurs ce sont les adultes qui ont décidé que le mercredi serait consacré à des ateliers obligatoires proposés par des “enseignants”, activités certe ludiques, mais dont les thématiques sonnent très formelles  (mathématiques ou lecture)…

Ou encore :

  • Les vendredi, c’est parc obligatoire.
  • Ce sont les adultes qui gèrent les réunions.
  • Il n’y a pas d’enfants de plus de 10 ans pour que les élèves ne viennent pas avec un bagage trop formatés… Les grands seront les élèves d’aujourd’hui dans les années futures.
  • Le besoin d’avoir à montrer ce que les enfants font tous les jours, en prenant des photos et en utilisant Trello.com pour communiquer avec les parents et la communauté… Assez intrusif il me semble.

Ce que je rapporte dans mes valises

Voici néanmoins ce que je rapporte en vrac :

  • J’ai bien aimé le salle de gym : les élèves suspendus, les matelas qui se bougent dans tous les sens... Ça donnait vraiment envie. Ça m’étonne pas que les enfants y passent beaucoup de temps ! De quoi expérimenter ! En image :

 

  • J’ai bien aimé leur salle musique avec la scène de théâtre donnant sur une grande baie vitrée. Dans les coulisses, beaucoup de déguisements et d’ustensiles.
  • Une pièce entière avec du matériel recyclé ! Apparemment encore plus utile que le matériel créatif ordinaire.
  • J’ai trouvé l’idée du tipi intéressante : un espace clos pour se retrouver avec soi-même en cas d’énervement, une échappatoire au groupe, où il peut faire bon d’aller si on cherche de la tranquillité.

Les outils AGILE

Et puis les outils AGILE m’ont paru pour la plupart très utiles. Non pas que je les utiliserais de la même manière exactement, mais ils semblent d’excellents supports visuels pour partager l’information avec le reste de l’école. Par exemple, un panneau style kanban sert à indiquer nos intentions de la journée, à les placer sur un horaire. Il y a le même tableau pour la semaine et le mois. Les activités ou projets sont proposés sous forme de post-it.

Certains outils des centres d’apprentissages AGILE sont regroupés sur la page web AGL. De quoi trouver de l’inspiration pour notre école à l’aube de l’ouverture, sans en imposer l’utilisation, mais en proposition comme support de communication. En voici une liste :

  • “Set-the-Week” c’est une réunion qui introduit la semaine et son planning en présentant visuellement les opportunités proposées par chacun, les sorties, projets, cours, jeux, films prévus, … Ces opportunités sont présentées comme des propositions offertes.
  • “Weekly Schedule Board” : c’est le panneau qui indique l’emploi du temps de la semaine, et où on place les post-it de propositions.
  • “A Daily Schedule Board” : ce panneau regroupe toutes les propositions de la journée positionnées sur un horaire et un lieu.
  • “An Offerings Board lists” : un panneau qui indique toutes les propositions et toutes les opportunités à l’intérieur et à l’extérieur de l’école de façon à ce que tout le monde soit au courant de leur existence.
  • Les élèves d’école AGILE utilise des kanbans et leur pendant numérique Trello.com, mais aussi des blogs d’étudiants ou de facilitateurs, des chaînes YouTube des groupes Facebook ou Tumblr, pour documenter leur quotidien.
  • “Gameshifting Boards” : des panneaux qui mettent des mots sur la façon de communiquer
  • Le bâton de la parole qui permet d’écouter jusqu’au bout sans interrompre
  • Les cercles de gratitude

Si tout ça vous intéresse, il y a pas mal de références dans le manuel pour démarrer son école AGILE (en anglais) ici.

Gracias por su visita !

Une visite inspirante et une rencontre agréable avec des cofondateurs qui ont vécu ce que nous vivons ici nous-mêmes : lancer une école centrée sur les apprentissages autonomes et la liberté.